Dimanche 15 novembre
Parabole des talents Matthieu 25,14-21 Comme elle nous est familière cette scène « des talents » dans l’évangile de Matthieu, avec tous ces personnages et leur conduite plutôt énigmatique.
Prenons d’abord ce maître, vraisemblablement riche, et qui, à la veille de partir en voyage, confie sa fortune à son personnel, sans même prendre la peine de constituer des parts égales.
Le premier bénéficiaire est le plus agaçant, non seulement il a eu plus que les autres, mais encore il excelle à faire fructifier son avoir, comme si les ennuis n’étaient jamais pour lui. Le deuxième nous apparaît peut-être plus proche, tout d’abord il a eu moins, ce qui nous le rend sympathique, et puis nous le devinons un peu moins doué que le premier, plus besogneux, voilà qui nous rassure. Le troisième, lui, est carrément hors course, incapable de prendre en main son destin, un looser, qui forcément n’ira pas bien loin dans l’existence.
A courte vue le tableau semble donc assez clair, mais nous savons bien que dans une perspective croyante, les récits évangéliques ne se lisent pas exactement comme cela.
Le maître de la parabole, c’est notre Dieu, notre père du ciel, follement épris de notre humanité, déraisonnable dans ses dons et impatient jusqu’à l’extrême de notre réponse.
Alors ? A quel serviteur allons nous choisir de ressembler ?
Par modestie certainement, nous serons tenté de laisser de côté le premier modèle. Nous ne pouvons pas décemment nous reconnaître aussi riche de dons que cela, et puis même si nous pouvons le penser, gardons nous de le revendiquer, à moins de nous envisager comme Dieu nous même, ce qui paraît bien dangereux.
Le modèle suivant semble davantage à notre portée. Des dons, nous en avons quand même quelques uns, et comme le deuxième serviteur est promis à la même récompense que le premier, ce n’est finalement pas un aussi mauvais choix que cela.
Reste le troisième modèle, qui nous ennuie quand même un peu. Forcément, a y regarder de près il nous arrive, à un moment ou à un autre, de garder par devers nous les richesses de Vie, que Dieu donne généreusement. Nous pouvons les cacher, par peur de les perdre, dans un partage qui viendrait à nous dépasser, ou même par désir plus calculé de les soustraire du bien commun, au service duquel le Seigneur pensait pourtant pouvoir nous compter.
Quelle désillusion pour nous ! Mais quel geste de rattrapage pourrions nous au moins esquisser avant d’être jeté dans la Géhenne de feu, lieu des pleurs et des grincements de dents ?
Ma propre expérience de la chute est suffisante pour que je sois déjà bien persuadé que le salut ne viendra pas de moi. Il me sera impossible, de ma seule volonté, de remettre à jour ce que j’ai parfois enfoui de manière très profonde, et si je crois vraiment pouvoir y parvenir, il est probable que je puisse encore finalement davantage aggraver le problème.
Pour redécouvrir à la lumière les talents enfouis de ma vie, je dois d’abord en retrouver le goût, l’essence, en contemplant tout autour de moi la multitude des talents à l’œuvre, portée par d’autres que moi.
Le chemin qui me réconcilie avec moi même et avec Dieu passe toujours par l’autre, qui me révèle à moi-même et me donne de retrouver en moi tout ce que j’avais perdu.
Ainsi, peu m’importe d’avoir 1, 2, 5 ou 10, puisqu’il y a dans mes mains ouvertes le tout de ma vie. Toute mon histoire, toute ma générosité et toute ma crainte, tout ce que j’ai donné et tout ce que j’ai repris, toute ma foi, avec sa lumière et ses ombres, pour entrer de toute ma personne dans la joie de mon Seigneur. Dimanche 15 novembre 2020 Mathias