Prêtre
Prêtre !
« En ce moment tout ça n’est pas très bon pour vous les prêtres », m’a dit une dame de ma connaissance, alors que je la croisais inopinément dans un commerce.
Oui bien sûr, même si je n’ai pas été plus loin dans l’échange qu’un vague demi-sourire, je vois bien ce que mon interlocutrice veut dire.
Une histoire non avérée, raconte que la maman du grand compositeur Antonio Vivaldi, l’avait encouragé, alors qu’il semblait chercher sa voie, à devenir prêtre. Une manière sans doute de tenter de stabiliser son génie de fils, en butte à une sensibilité trop grande, en l’inclinant à opter pour une situation stable et reconnue. Comme quoi les temps changent !
Pour autant, s’il y a de moins en moins de prêtres, ils font de plus en plus parler d’eux, mais dans un sens qui, il est vrai, aurait plutôt souvent tendance à me blesser.
Pas un jour en effet ne se passe, sans que ce choix de vie que j’ai fait, ne soit confusément moqué, dévalué et même nié, lorsque l’opinion générale, répandue sur toutes sortes d’ondes, accrédite le fait que rien dans les engagements d’une vie de prêtre ne peut finalement avoir de quelconque valeur.
Cruelle société des hommes et des femmes d’aujourd’hui, qui généralise et orchestre à l’infini la moindre expression maligne et réduit à néant le geste humble et discret, de celui qui cherche à se donner avec générosité, par simple désir de se sentir en cohérence avec sa foi profonde.
Paradoxalement peut-être, une deuxième difficulté vient parfois de l’institution même de l’Eglise, quand, à travers le propos de certains de ses membres, elle s’obstine à faire du prêtre une sorte d’être à part du commun des mortels, sorte d’icône dispensée des contraintes de toute humanité véritable, le précipitant au passage dans une chute quasi certaine.
Heureusement, sentiment d’humiliation ou auto- glorification complaisante, ces deux récifs fort dangereux que je m’efforce de remettre à bonne distance en permanence, ne sont pas le tout de ma navigation au milieu de ce monde.
Prêtre d’un diocèse, je suis envoyé à de « vraies » personnes, ayant un visage, une épaisseur de vie à partager, des joies, des peines, des questions, bien loin du magma informe et atone que je perçois quand on me parle des 1% de catholiques pratiquants, minorité bientôt heureusement disparue.
A l’inverse de ces lieux communs, toute mon expérience me dit que la rencontre de l’autre est la véritable richesse de notre vie. C’est « l’autre » qui me déplace, qui m’agrandit, me renouvelle et me révèle, jour après jour, et sans jamais vraiment le savoir, la présence d’un Dieu qui s’est fait homme, auquel j’ai donné ma vie.
Mathias, prêtre, curé de la paroisse Saint Martin en vallée d’Olt.